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Bienvenue à l’Hôtel Beethoven
Plancher en chevrons, colonnade, plafond de verre, un hall d’entrée digne de la salle de bal d’un grand hôtel. Au-dessus de la large porte d’entrée, l’enseigne HOTEL BEETHOVEN accueille les visiteurs. C’est à ce grand compositeur allemand qu’est dédiée l’exposition présentée actuellement au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, mieux connu sous le nom de BOZAR, à l’occasion de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne. « En cette année 2020 où nous célébrons le 250e anniversaire de la naissance de Ludwig van Beethoven, nous invitons le public à redécouvrir ce compositeur comme l’un des principaux ambassadeurs de la culture européenne », a déclaré la ministre fédérale adjointe chargée de la Culture et des Médias, Monika Grütters, qui soutient financièrement ce projet, lors de l’inauguration de l’exposition mi-octobre. « Sa force visionnaire, sa conception de la nature, de l’environnement et de l’entente entre les peuples ainsi que le profond humanisme qui émane de ses œuvres sont toujours d’une grande actualité. » Où pourrait-on mieux le montrer que dans un hôtel ?
L’hôtel est un lieu où se rencontrent des personnes de tous les horizons, où se tiennent des débats politiques, où l’on découvre des histoires cachées . Un lieu à la fois public et privé, plein de vie, de voix, de couleurs et de contrastes – comme Beethoven et nos différentes manières de le percevoir. Ouvrons donc la porte de l’Hôtel Beethoven :
Citoyen du monde, Européen, esprit critique
Le changement de perspective que nous offre l’artiste multimédia américain Terry Adkins est impressionnant. Dans son montage vidéo intitulé « Synapse », un portrait de Beethoven tel qu’on le connaît se transforme pour prendre l’apparence d’un homme de couleur. Le message est clair : noir ou blanc, Beethoven est un citoyen du monde, une icône universelle qui nous émeut. Beethoven était un artiste politique, engagé et plein de contradictions. Il partageait avec passion les idéaux de la Révolution française et soutenait l’entente entre les peuples d’Europe. Fasciné par Napoléon, il avait tout d’abord dédié sa troisième symphonie à « Bonaparte ». Mais apprenant que celui-ci s’était fait couronner empereur et partait à la conquête de l’Europe, il raya, furieux, le nom de Bonaparte du titre de la partition de la symphonie héroïque. Aujourd’hui, la musique de Beethoven incarne l’union entre les peuples d’Europe puisque c’est son Ode à la joie, extrait du dernier mouvement de sa 9e symphonie, qui est l’hymne officiel de l’Union européenne.
Le regard de l’artiste
Que signifie Beethoven pour nous aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’il nous inspire ? Le nouveau regard que posent les artistes sur les mythes et les clichés qui entourent Beethoven sont captivants. Joseph Beuys (photo de gauche) s’est intéressé à lui, Andy Warhol lui a consacré une œuvre de pop art (photo de droite). « Beethoven entretenait une relation étroite avec la nature, ses longues promenades en forêt étaient l’une de ses sources d’inspiration », explique Sophie Lauwers, directrice du département Expositions du BOZAR. « C’est pourquoi il est pour nous l’un des premiers activistes en faveur du climat ». Il a également inspiré l’artiste Jeremy Deller dans son film intitulé « Wir haben die Schnauze voll » (en français : « Nous en avons assez »). On y voit des enfants et des adolescents danser et faire la fête autour d’un orchestre qui joue des extraits de la 7e symphonie de Beethoven. On les voit ensuite se rendre à une manifestation de Fridays for Future. Jeremy Deller : « I thought that the idea of seeing people creatively working together to achieve something, whether demonstrating or making music, is very important. »
Heartbeat-Opera New York
« Fidelio », le seul opéra que Beethoven ait composé, est un hommage à la liberté. Ce n’est pas un hasard si la réalisatrice Christine Mielitz a précisément mis en scène « Fidelio » en octobre 1989 à l’opéra Semper de Dresde, au moment où les citoyennes et citoyens d’Allemagne de l’Est descendaient dans les rues en réclamant démocratie et liberté. C’est aujourd’hui le Heartbeat Opera de New York (image de gauche) qui fait écho à l’actualité, en évoquant le mouvement Black Lives Matter, la lutte contre le racisme et les conflits entre communautés noires et blanches aux États-Unis. Détail particulier : ce sont de véritables détenus, membres d’un théâtre pénitentiaire, qui chantent dans le chœur des prisonniers, des personnes emprisonnées depuis 20 ans pour certaines d’entre elles et pour qui la liberté prend un tout autre sens. On peut voir à quel point l’opéra de Beethoven reste actuel en lisant les lettres de ces détenus évoquant leur travail de préparation à Fidelio (image de droite). Comme le résume Douglas Elliott, l’un des choristes : « Fidelio nous rend visibles aux yeux de personnes qui sinon ne pensent jamais à nous. Je voudrais que les gens sachent que même si nous sommes enfermés pour nos erreurs, nous restons des êtres humains ».
Le compositeur sourd
À l’âge de 28 ans, au sommet d’une glorieuse carrière de pianiste, Beethoven commence à perdre l’ouïe. Il compose six de ses neuf symphonies alors qu’il est déjà pratiquement sourd. « C’est pourquoi nous tenons à montrer que la surdité peut également être un atout », explique Sophie Lauwers. Les visiteurs peuvent notamment plonger la tête dans le cornet acoustique géant que John Baldessari a appliqué à une immense oreille en plâtre. Il suffit de parler dans le cornet pour entendre une œuvre de Beethoven. Une de ses petites compositions que ses contemporains aimaient tant. On peut ainsi s’imaginer comment les personnes atteintes de surdité ressentent la musique en percevant les vibrations à travers leur corps.
Changement de perspective : les sourds et la musique
Des oreilles métalliques comme caisses de résonnance artificielles – l’artiste sonore belge Baudouin Oosterlynck a imaginé une « Prothèse pour une oreille indiscrète ». « Regarde, j’ai laissé là quelques instruments d’écoute. Peut-être les essaieras-tu dans une prochaine vie », écrit-il dans une lettre au « cher Ludwig », que l’on peut lire dans le catalogue de l’exposition. Un autre artiste propose un piano enveloppé de plastique. Cet instrument, qui ne peut émettre aucun son, symbolise le silence dans la musique. Ce sont surtout les artistes sourds qui apportent de nouvelles perspectives, à l’instar de cette critique de concert en langue des signes qui rend visible d’autres facettes de la musique. Et celui ou celle qui le souhaite peut se laisser guider à travers l’exposition par un guide sourd, afin de découvrir non seulement Beethoven sous une nouvelle facette, mais tout un nouveau monde.
Mission: Earth-Moon-Earth
Composée en 1801, la Sonate au Clair de lune (photo de droite) est l’une des œuvres les plus célèbres de Beethoven. L’artiste écossaise Katie Paterson la met en scène sur un mode insolite et émouvant. Par fréquences radio, elle a envoyé sur la lune les notes de cette sonate codées en morse. Les signaux nous sont revenus constellés de courtes pauses et interruptions, les reliefs de la lune ayant absorbé une partie de l’information. L’exposition présente de manière visuelle et sonore les signaux réfléchis par la lune (à gauche). Une sonate au clair de lune revisitée par la lune « en personne », mais dont la mélodie reste néanmoins reconnaissable par tous.
Pour toute information complémentaire sur le programme culturel de la présidence allemande du Conseil de l’UE, veuillez cliquer ici ou regarder le film suivant :
Le programme culturel de la présidence allemande du Conseil de l'UE
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*Brigitte Dannehl, Joseph Beuys lors de l’action « Totenmaske Napoleons » (le « Masque mortuaire de Napoléon ») dans le cadre de l’installation « Beethovens Küche » (la « Cuisine de Beethoven »), Düsseldorf, le 4/10/1969, Baryta print, b/w Museum Schloss Moyland/Joseph Beuys Archiv / JBA-F; Andy Warhol, Ludwig van Beethoven, 1987, Silkscreen print, Private collection of Jannis Vassiliou, Bonn
**Earth – Moon – Earth (Moonlight Sonata Reflected from the Surface of the Moon), 2007, Two digital prints Courtesy of Katie Paterson Studio; Ludwig van Beethoven, Sonata for Piano No. 14, « Sonata quasi una Fantasia », (C# minor), Op. 27, No. 2, 1801, Autograph Beethoven Haus Bonn (BH60)